Je me rappellerais toujours mon tout premier achat de jeu-vidéo, livré par La Poste, je devais avoir onze ans. On venait de passer à l'euro, le jeu en coûtait quinze, c'était peu et beaucoup à la fois. Tellement obsédé par ce jeu que je gravais au compas des symboles "radioactivité" sur les tables de mon collège (oui, non content d'être un geek, j'étais également une petite merde). Miracle de la 2D, le jeu fonctionnait sur le PC familial: j'allais donc enfin pouvoir m'entraîner à mort afin de prendre ma revanche sur mes amis qui me massacraient à Worms Armageddon.
Car c'était le temps des jeux au tour-par-tour en "hot seat", comme Heroes III, qui voyaient ces gamins s'agglutiner autour d'un écran encore cathodique pour jouer chacun leur tour les dimanches après-midi. On pouvait tricher en déconcentrant l'autre, par exemple en lui faisant des chatouilles. Les plus grands tapaient les plus petits lorsqu'ils avaient l'audace de leur mettre une raclée in-game. On éternuait sur la souris et le clavier à la fin de notre tour pour gêner le suivant. Bien-sûr, on pétait. C'est quand même mieux maintenant.
Vingt-six ans plus tard, je joue toujours à Worms. Le jeu a été patché et repatché par la communauté au fur et à mesure du long défilé des Windows, mais ce sont surtout les "schemes" (entendez: les modes de jeu) qui ont grandement évolué. En ligne, les joueurs se défient le plus souvent à "la corde", ce grappin qui, bien utilisé, permet des miracles. Depuis les courses de corde à travers des maps tortueuses jusqu'aux envols de vers à travers les "fly shoppers", la technique des joueurs en ligne s'apparentent presque à de la magie noire. Si vous débarquez en touriste dans une partie en ligne, vous serez tué sans même que vos adversaires aient à utiliser leurs armes. C'est vous dire.
L'expérience en ligne a également bénéficié de l'apport de la communauté. À la sortie du jeu, la connexion se faisait d'ip à ip, rendue obsolète suite à l'arrivée des boxes internet dans la plupart des foyers. Désormais, c'est avec l'aide d'un bot tiers portant le doux nom de HostingBuddy que l'on peut héberger des parties en ligne, produit de toute la motivation et l'inventivité des joueurs de Worms. Le bot peut paramétrer la plupart des schemes non-officiels, piocher dans l'immense et magnifique Worms Map Database (WMDB), gérer les versions du moteur à lancer, permettre l'ajout de hacks inimaginables.
Le système de Replays a été également amélioré par les codeurs tiers (qui depuis ont été recrutés par Team17 pour maintenir officiellement le jeu). Toutes les parties que vous jouez sont enregistrées dans le dossier User/Games/ de votre installation. Un simple clic droit sur un Replay vous permet d'en extraire la carte, le scheme, et permet même de le convertir au format vidéo en un clic. Rien de tel que d'observer le jeu des meilleurs pour apprendre de nouvelles techniques!
Je n'ai jamais réussi à atteindre un niveau compétitif, malgré l'installation (quasi obligée) de logiciels de macro (pour sélectionner rapidement la corde puis un parachute, par ex.) et de longs entraînements à la technique du Finger Roll (le fait d'attribuer deux touches voisines à la même action afin de spammer ladite action). Mais la joie lorsque mon adversaire rate ou réussi un bon coup m'est restée intacte. Je m'esclaffe et retiens à grand-peine mon fou-rire au risque de réveiller toute la maisonnée. Toujours aussi fun (si ce n'est plus), bon enfant, Worms Armageddon est un jeu pointu, très stratégique. Qu'il est bon de partager cette passion bizarre pour ces vers de terre bellicistes. J'ai hâte d'être à l'EPHAD pour y jouer avec mes congénères millenials.
On trouve Worms Armageddon pour le prix d'un café lors des promos chez GOG ou chez les revendeurs de clés.
Si vous n'y connaissez rien, retrouvez une bonne introduction au multi, un lexique des termes utilisés en ligne, des astuces sur le jeu, le tout en français sur l'antique wormsschool.com de Lambo.
Si vous cherchez une map, c'est sur l'incontournable wmdb.org.
La communauté reste très active sur tus-wa.com et organise toujours des tournois.
Enfin, worms2d.info est le site le plus complet (en anglais), et répertorie tout ce qui s'est fait pour le jeu depuis le commencement.
Bon jeu!